Soudan: La guerre menace t-elle l’approvisionnement mondial de la gomme arabique et du sésame?

Le Soudan, premier producteur et exportateur mondial de la gomme arabique est entré dans une guerre civile depuis plus d’un mois. Le pays est en proie à de violents combats de plus en plus intenses, provqués par les  principaux antagonistes que les Forces armées soudanaises (SAF) du général Abdel Fattah al-Burhane et les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo. L’on dénombre déjà plus de 1000 morts et environ un million de réfugiés et déplacés.

Le Soudan n’est pas à sa première guerre. Mais à la différence des crises antérieures, c’est la capitale Khartoum qui est l’épicentre des combats.

Conséquence: l’eau et l’électricité sont coupées, on déplore la pénurie d’argent, les banques  sont pillées ou fermées, ainsi que les administrations, les populations vivent terrées chez eux, le transport des marchandises et des personnes est ralenti, les flux commerciaux entrant et sortant sont considérablement entravés, de même que les procédures bancaires et douanières, car toutes ces activités étaient centralisées à Khartoum.

La guerre a ainsi paralysé l’économie, avec pour conséquence directe des pénuries de produits essentiels, notamment  alimentaires, des hausses de prix au niveau intérieur et des exportations bloquées. De ce fait, la  gomme arabique dont le Soudan est le premier producteur et exportateur mondial, est stoppée. Ce qui suscite des interrogations de par et d’autre, quant aux retombées sur l’approvisionnement pour les industries.

La gomme arabique est utilisée dans différentes industries telles que: alimentaires, cosmétiques, confiseries, pharmaceutiques, imprimerie, et bien d’autres. Elle demeure une matière indispensable à la fabrication de boissons gazeuses  car elle n’est remplaçable par aucun autre substitut contrairement à d’autres industries.

Dans un communiqué publié fin avril, Association for international promotion of gums (AIPG) a déclaré que dans l’immédiat il n’y avait pas de problèmes d’approvisionnement pour ses membres qui ont accumulé plusieurs mois de stocks.

« Basé sur des décennies d’expérience dans les affaires au Soudan et généralement en tant que producteurs, importateurs et fabricants de produits naturels partout dans le monde, les membres de l’AIPG ne croient pas que la situation d’approvisionnement des utilisateurs finaux de gomme arabique sont en danger.  Comme de nombreux importateurs, nos sociétés membres conservent dans leurs entrepôts  des stocks suffisants de gomme arabique importée du Soudan et d’autres pays, de sorte que d’éventuelles interruptions de l’approvisionnement – quelle qu’en soit la raison – peuvent être absorbées » a-t-elle affirmé.

Mais cette sérénité est tributaire de la durée de la guerre. Au -delà de trois à six mois, la situation pourrait devenir critique. Toutefois, précise l’AIPG, il y a d’autres sources d’approvisionnement, les acacias sources de la gomme arabique étant présents sur toute la ceinture de la gomme qui s’étant sur 800 kilomètres de l’Est à l’Ouest de l’Afrique, de la Mauritanie et du Sénégal, à l’ouest, au Soudan, à l’Érythrée, à la Somalie, au Kenya et à la République-Unie de Tanzanie, à l’Est.

Notons que le Tchad , le Nigeria et le Sénégal et le Mali sont également des pays  exportateurs majeurs de la gomme arabique, mais sont loin de rivaliser avec le Soudan.

D’après Trade Map de l’ITC, en 2021, où les exportations totales de gomme arabique ont été chiffrées à 165 013 tonnes,  le Soudan a à lui seul exporté près de 73 934 tonnes de gomme arabique, loin devant le Mali (11 169 tonnes), le Tchad (4 229 tonnes), le Nigeria (2 908 tonnes), le Sénégal (2 616 tonnes).

Quant au sésame, le Soudan est évidemment un acteur majeur tant dans la production que l’exportation. Cependant,  l’offre est beaucoup moins concentrée géographiquement et les producteurs sont présents sur presque l’ensemble des continents. Ainsi, en 2022, sur un  volume mondial exporté de 7,5 millions de tonnes, les cinq  premiers exportateurs mondiaux de sésame étaient le Nigeria avec 297 022 tonnes, suivi du Soudan (264 626 t.) , l’Inde (184 164 t.) , le Mozambique (148 068 t.) et la Tanzanie  (120 004 t.).

Si l’approvisionnement devrait être moins contraint, les prix  ont néanmoins déjà grimpé. Surtout que la récolte  n’a pas encore commencé au Mozambique et en Tanzanie. Pour le Whitish Soudan Fob Port Soudan, le prix de la tonne est passé de 1950 dollars le 4 mai à 1970 dollars le 17 mai. De même, la variété Whitish Ethiopie est passée de 1 900 dollars la tonne à 1 970 dollars,  la tonne du Mixed Nigeria de 1 750 dollars à 1 870 dollars.